Les 21 et 22 septembre prochains aura lieu la 41e édition des Journées Européennes du Patrimoine (JEP), avec une multitude d’actions venues du terrain et il est temps pour l’État de les prendre en considération en faisant évoluer le cadre juridique du matrimoine et du patrimoine grâce à la ratification de la Convention de Faro.
La Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du matrimoine et patrimoine culturel pour la société, connue comme Convention de Faro, est la première convention internationale à considérer que la désignation et la protection du matri-patrimoine doivent s’ancrer dans la vie démocratique pour répondre aux nécessités du « respect des droits de l’homme et de l’État de droit ». Cette Convention appelle à assurer un traitement plus équitable de la diversité de nos héritages, venus d’ici et d’ailleurs, pour améliorer la qualité de notre vie ensemble sur chaque territoire.
A contrario de cette approche humaniste, le Rassemblement national a proposé lors des dernières élections de rebaptiser ces Journées Européennes du Patrimoine en « Journées Nationales du Patrimoine » tout à son ambition de glorifier le matri-patrimoine comme « creuset d’une grande Nation millénaire ». Le mot d’ordre est court mais en dit long : « Une Nation, un patrimoine ». Ce singulier du matri-patrimoine est alarmant ; il rejette la diversité des récits qui forgent notre humanité commune et n’accepte que le matri-patrimoine comme “expression, parfaite, de la civilisation française”. L’extrême droite italienne, elle aussi, s’est opposée de manière virulente au processus de ratification de la Convention de Faro, affirmant qu’il s’agissait d’une « capitulation culturelle ».
L’État français ne peut plus se contenter de faire semblant en affirmant qu’il est d’accord pour agir « dans l’esprit de Faro » tout en refusant de ratifier la convention, seul acte à même de lui donner sa portée politique et juridique.
La ratification permettrait de combler la faille démocratique béante qui caractérise la sélection du matri-patrimoine : la qualification officielle de « patrimoine », pour l’essentiel accrochée aux « monuments historiques », est opérée par quelques personnes cooptées par l’État sur la base de leurs connaissances spécialisées en histoire, en art, en architecture. Comme l’indiquent Marie Cornu et Noé Wagener : « Le droit du patrimoine procède d’un choix élitaire, fondé sur l’appréciation de la valeur de l’œuvre, sur la base d’une expertise savante. » Ce dispositif fermé à la démocratie ne prévoit aucun garde-fou qui l’empêcherait de devenir un outil efficace pour un État revendiquant un nationalisme hostile aux matri-patrimoines venus d’ailleurs. Il va bientôt servir au Rassemblement national.
Au contraire, la Convention de Faro invite à reconnaître le droit au matri-patrimoine culturel comme droit humain de participer à la vie culturelle. Elle invite à « faire patrimoine ensemble » en privilégiant, sur le terrain, la coopération de toutes les parties prenantes : savant·e·s, spécialistes du matri-patrimoine, bien sûr, mais aussi responsables public·que·s, entreprises privées, associations et toutes les personnes qui « attachent de la valeur à des éléments du passé qu’elles souhaitent, dans le cadre de l’action publique, maintenir et transmettre aux générations futures ». La convention de Faro privilégie une approche du matri-patrimoine intégré à la vie démocratique, dans toutes ses composantes, économiques, notamment touristiques, mais aussi, sociales, éducatives et environnementales…
Pour autant, elle n’est pas naïve : en accueillant toutes ces expressions mémorielles, elle sait bien que souvent des « valeurs contradictoires sont attribuées au même patrimoine par diverses communautés ». Elle demande donc que se mettent en place des processus démocratiques pour gérer ces dissonances et mieux équilibrer la « diversité des interprétations ». Ainsi, la Convention de Faro s’oppose au communautarisme comme au nationalisme puisque aucun matri-patrimoine ne peut être reconnu si les personnes qui y sont attachées ne travaillent pas, aussi, au respect du matri-patrimoine des autres.
L’État français s’est engagé dans la reconnaissance du droit au matri-patrimoine culturel en inscrivant en 2015 les droits culturels dans la Loi comme une responsabilité partagée. 24 États européens ont ratifié la Convention de Faro. La France y est prête avec des milliers d’initiatives qui profitent des JEP pour exercer leur droit au matri-patrimoine culturel, avec de plus en plus de maires qui adhèrent aux principes de la Convention, avec des universités qui l’intègrent à leur cursus, avec des réseaux nationaux d’acteur·ice·s du patrimoine qui la prennent comme cadre de référence et depuis peu avec un Réseau Faro francophone composé des parties prenantes qui se reconnaissent dans cette approche intégrée du matri-patrimoine (associations, collectivités, entreprises et bien sûr spécialistes de la connaissance des patrimoines).
Nous appelons les parlementaires qui se sont retrouvé·e·s dans le front républicain à mettre à l’ordre du jour de la prochaine assemblée parlementaire la ratification de la Convention de Faro et à s’appuyer sur la dynamique des territoires qui savent déjà reconnaître la diversité de nos ressources patrimoniales, apporter leur contribution au matri-patrimoine commun de l’Europe et favoriser la paix des mémoires et des traditions culturelles.
SIGNATAIRES :
Personnes physiques :
Alban Cogrel, directeur de la FAMDT
Alexis Mazade, Ferme de Villefavard en Limousin – CCR
Alice-Anne Jeandel
Anne-Gaël Gauducheau, auteur et artiste
Annette Pezat Présidente de l’Association de sauvegarde du moulin du Mayne et des amis du patrimoine
Anne-Christine Micheu
Antoine Betillouloux (wikipedal), créateur de contenu
Ariane Vitou, consultante indépendante
Aurélie Besenval
Bastien Ruaux, sociologue
Camille Blin, chargée de communication et d’animation du réseau, Association des Centres culturels de rencontre
Camille Trichet
Caroline Darroux, anthropologue et directrice de la Maison du Patrimoine oral de Bourgogne
Cédric Brossard, metteur en scène, coordinateur de [la fabrique francophone]
Céline Drancey – Musicienne et Chargée de production
Christine Breton
Christine De Cintré, élue au patrimoine et matrimoine de la ville de Rouen
Christophe Sacchettini, musicien
Christophe Chauvet, directeur artistique association PaQ’la Lune
Danielle Bellini co directrice artistique du projet Butterfly (Hérault)
Daniel Lodenet, membre de l’association Ekitour solidarité
David Crochet
David Redon
Delphine Lafon, comédienne-conteuse
Denis Blanc
Dominique Meunier
Eleftérios Kechagioglou
Elsa Bonaz, géographe
Émilie Guillet, militante des Communs
Emmanuel Antoine, SCIC Graines de liberté Hadoù Ar Frankiz
Eric Fourreau, directeur des Éditions de l’Attribut
Estelle Trotignon, fondatrice de l’agence Culture ACT
Fred Ortuño, co-coordinateur Artfactories/autresparts
Fabienne Manguy
Frank Tenaille, journaliste, directeur artistique du Chantier, membre fondateur du Réseau Zone Franche
Gilbert Ceccaldi, acteur culturel, militant associatif
Guillaume Maunier
Ioana Crugel, chargée du développement européen et international, Association des centres culturels de rencontre
Jany Rouger, co-fondateur et ancien directeur de la FAMDT, président de la COFAC Nouvelle-Aquitaine
Jean-Michel Lucas, maître de conférences retraité, ancien Drac, membre de la collégiale : « Laboratoire des droits culturels »
Jean-Yves Pineau, directeur des Localos
Judith Dehail, maîtresse de conférences à l’université d’Aix-Marseille
Juliette Passilly, doctorante en patrimoine et anthropologie, Membre de la collégiale : « Laboratoire des droits culturels » ; lauréat de la Relève
Hervé Demarigny
Hesa Dubreuil, médiatrice culturelle
Khady Sarr, danseuse, chorégraphe
Laure Alart
Léo De Marans
Leslie Gandriau
Loïc Magnant, président du Bureau des guides du GR2013
Maël Hougron, directeur du Nouveau Pavillon – festival Eurofonik
Maël Lucas, coordinateur du Laboratoire des droits culturels, lauréat La Relève
Marc Anthony, artiste musicien
Mathias Mary, directeur de la communauté d’hospitalité Les Hérons
Mathilde Haegel, artiste clown
Myriam Plet, présidente du CCR Château de Goutelas et avocate honoraire
Naïma Yahi, historienne et chercheur
Nicolas Boulery, ergonome
Odile Pradem-Faure, déléguée générale de l’Association des centres culturels de rencontre
Olivier Chateau, adjoint à la maire de Nantes en charge du patrimoine et de l’archéologie
Olivier Poggianti, musicien et photographe, association BALAST
Pascal Le Brun-Cordier, professeur associé à l’École des arts de La Sorbonne, directeur de Villes In Vivo, atelier d’idées et de production
Philippe Metz
Prosper Wanner, sociologue Université d’Aix-Marseille
Raoul Lherminier, vice-président du Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche
Ricet Gallet
Sam Bourcier, sociologue
Samia Chabani, sociologue
Saskia Cousin, sociologue à l’Université Paris Nanterre
Sébastien Mahieuxe, directeur de la Ferme de Villefavard en Limousin – CCR
Stephane Frioux, adjoint culture de Villeurbanne
Stéphanie Mousserin
Théo Liziard-Perier, sociologue du patrimoine
Valeria Pica
Xavier Hamon, artisan-cuisinier
Personnes morales :
Artfactories/autresparts
Association Ancrages
Association BALAST
Association des Centres culturels de rencontre
Association Chercheurs d’Autres Guyane Et Occitanie
Association Ekitour solidarité
Associations des Riverains et Amis de La Beaujoire
Association HARP
Association Les Hérons
Association Minga
Association Opale
Bolèga !, associacion culturau occitana
Centre Régional des Musiques Traditionnelles en Limousin
Cie La Lune Rousse
CMTRA
Collectif MusTraDem
Fédération des acteurs et Actrices des Musiques et Danses Traditionnelles (FAMDT)
FEDELIMA
FNADAC
Laboratoire des droits culturels
Le Centre d’archives LGBTQI+ Paris IDF
Les Éditions de l’Attribut
Les Localos
Music’Halle
Réseau culture 21
Rézo’nances
SCIC Hôtel du Nord
SCIC Les oiseaux de passage
SCOP Ekitour
SIMYA PRODUCTIONS
Université des sciences et des pratiques gastronomiques
UFISC
Si vous voulez signer cette tribune, merci d’envoyer un email à amandine.rouzeau@famdt.com
Pour aller + loin, découvrez le dossier sur la Convention de Faro par le Réseau francophone Faro sur Modal, le média.
Contacts | Réseau francophone Faro : Proper Wanner prosperwanner@gmail.com / Jean-Michel Lucas jmlucas285@orange.fr / Amandine Rouzeau amandine.rouzeau@famdt.com